Des vêtements au crochet écologiques, c'est possible ?

En créant Une Maille Rebelle, je me suis promis de respecter plusieurs valeurs qui sont tout à la fois un motif de fierté et de difficultés dans le monde de l'entreprenariat. La 1ère d’entre-elles est (ou plutôt sont) l’écologie et l’éthique. Alors oui, je sais, c’est un peu facile, ça en jette comme titre et c’est à la mode. Mais en fait c’est plutôt évident quand on y pense.

Le crochet écolo ?

Déjà le crochet c’est vraiment un produit qu’on ne peut faire qu’à la main : il n’existe pas de machine à crocheter (c’est pour ça que les produits que vous trouvez dans les grandes enseignes à 20€ sont soit une arnaque soit de l’exploitation pure et dure mais ça j’en reparlerai). Donc écolo de base, pas vraiment eu le choix de ce côté-là, avouons-le.

Si on prend un froid point de vue d'entrepreneure qui cherche un angle d'attaque marketing : je pouvais jouer la carte du Made In France ! Mais ces créations que je vous propose auraient-elles été françaises si ma matière première ne l’était pas ? (Mon Dieu cette phrase est compliquée), je m’explique : entre un pull entièrement fabriqué en Chine et un pull tricoté en France avec de la laine en acrylique qui vient de Chine, lequel est le plus écologique et éthique ?

Certes le premier est catastrophique, mais dans le deuxième cas le produit est seulement TRANSFORMÉ en France. Votre laine acrylique est un dérivé du pétrole, sa teinture a pollué et consommé beaucoup d’eau (certainement dans des zones habitées) et les ouvriers qui ont travaillé dessus ont peu de chance d’être payés correctement (sans parler des conditions de travail). Le bilan écologique et éthique est assez moyen du coup. Vous n’avez évité qu’une étape de pollution. 

Pour être complètement logique dans MA démarche d’entrepreneure (je parle bien de moi et pas des autres) j’ai donc choisi de faire des créations ENTIÈREMENT made in France. En plus ça collait avec mes valeurs donc banco !

À la recherche du graal

Je me suis donc lancée dans une recherche fastidieuse : je voulais des fournisseurs français ! Il en existe mais ce sont des Charlie : ils sont bien cachés (pardon, pardon, pardon pour cette blague). Ce sont souvent des petites structures, à la limite de l’artisanat parfois. J’essaie de prendre les plus proches de chez moi pour éviter du kilométrage et donc de l’essence (parce que la livraison de laine en vélo j’en suis pas encore là, j’habite dans les Alpes je vous rappelle).

Au-delà des fournisseurs français il faut aussi s’assurer que les matières soient écologiques. Par exemple j’ai choisi de ne pas crocheter de coton pur car c’est un produit très gourmand en eau et en produits chimiques. Pour les pièces comme les sacs j’ai trouvé un coton régénéré c’est-à-dire issu d’anciennes pièces de coton ce qui évite d’en refaire pousser et de le teindre à nouveau. Je peux aussi me diriger vers un mélange coton/lin ou du 100% lin ou du chanvre mais là encore les fournisseurs sont très compliqué à trouver (surtout pour mes petites quantités).

Pour aller au bout de ma démarche (parce que je suis un peu têtue, avouons-le), j’essaie de faire attention à TOUS les fournisseurs : mes étiquettes sont françaises en papier imitation cuir, mes cartes de visites sont françaises en papier ensemencé (vous savez, avec des petites graines dedans !), mes boutons sont français d’une usine de Picardie, mes attaches de sac magnétiques sont… allemandes ! Et oui, c’est un travail encore en cours… Tout est perfectible.

Un coût pour les entreprises… et les clients !

Dans ce parcours du combattant j’ai découvert une notion que je n’avais fait qu’effleurer quand j’étais une consommatrice “lambda” (dirons-nous) : on vit dans un monde où un produit qui pollue, qui tue des gens et qui vient de loin est moins cher et plus facile à trouver qu’un produit français, écologique et éthique.

Et comme je suis un peu caractérielle (après tout je suis Une Maille Rebelle), cette situation m’agace profondément… CE N’EST PAS LOGIQUE B***** ! Expliquez-moi, alors qu'on est censé sauver le monde, pourquoi on ne trouve pas le moyen de privilégier les achats locaux, au moins au niveau professionnel ?

Parce que non seulement la recherche de fournisseurs français me prend du temps (et donc de l’argent), mais en plus les produits sont bien plus chers que si je les prenais en Chine. Ne serait-ce qu’en frais de port : un produit qui fait moins de 500 bornes me coûte plus d’argent qu’un produit qui en a fait 8000. Prenez deux minutes pour y réfléchir.

Alors je sais, le coût du travail, l’économie d’échelle, les règles du commerce, bla bla bla… Je comprends pourquoi un produit chinois est moins cher qu’un produit français mais ce n’est pas pour autant que je trouve ça logique. Tout comme je ne trouve pas logique qu’un billet d’avion coûte moins cher qu’un voyage en train… Le problème est structurel.

J'essaie de ne pas vous parler de politique alors je vais m'arrêter là dans les considérations sur le commerce international mais je crois qu'on s'est compris. 

Du coup des vêtements au crochet écologiques, c'est possible ? Oui et non. Oui car je m'efforce d'avoir le moins d'impact possible dans ma production, non car il y aura toujours un impact, même minime. Je crois que toute création produit des déchets et de la pollution, même si on fait le plus attention possible. Ne serait-ce qu'avec le transport (dont la livraison). Il reste de nombreuses pistes d'amélioration, des matériaux de base à changer : par exemple quand j'utilise des perles je les achète à une entreprise française mais elle ne sont pas fabriquées dans le pays. Je me dis qu'au moins je paye des impôts français dessus... 

Néanmoins je ne regrette pas cet engagement. Grâce à ce choix je peux vous proposer des vêtements qui n’ont pas voyagé plus que vous dans votre vie (au moins pour la matière principale) et qui ne polluent pas (beaucoup) la vie des humains et de la planète sur laquelle ils vivent. Ce sont surtout des vêtements qui soutiennent le travail des autres et un idéal. Parce qu'une maille, même rebelle, associée à d'autres, ça finit par faire un tricot ! 

Photo de Madison Inouye

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